La mission archéologique IFAO/UMR 5140 (Cnrs-univ. Montpellier 3) s’est déroulée du 3 novembre au 6 décembre 2008. Ont pris part à la mission : Christophe THIERS (égyptologue, USR 3172-CFEETK, chef de mission), Hassân EL-AMIR (restaurateur, IFAO), Sébastien BISTON-MOULIN (égyptologue, univ. Montpellier 3), Romain DAVID (céramologue, univ. Montpellier 3), Catherine DEFERNEZ (archéologue-céramologue, UMR 8152-univ. Paris Sorbonne), Damien LAISNEY (topographe, IFAO), Aurélie TERRIER (architecte, univ. Genève), Youri VOLOKHINE (égyptologue, univ. Genève), Pierre ZIGNANI (architecte-archéologue, USR 3172-CFEETK). Le Conseil suprême des antiquités égyptiennes était représenté par Amer Amin EL-HIFNI (inspectorat d’Esna). Un don de la Société Égyptologique de Genève est venu renforcer le soutien logistique et financier de l’IFAO et de l’UMR 5140 (Cnrs-Univ. Montpellier 3).
Temple de Montou-Rê
Le nettoyage de la plate-forme de fondation du temple ptolémaïque et du pylône Nouvel Empire a été poursuivi. P. Zignani, D. Laisney et A. Terrier ont achevé le plan du pylône ; le môle ouest a été relevé pierre à pierre. Un sondage a été ouvert sur la face nord du môle ouest, à l’intérieur de la cour. Il a permis de mieux appréhender la façon dont a été construit le pylône lui-même et comment un mur secondaire tardif (probablement ptolémaïque) a été encastré en fondation (fig. 1). Un remploi ramesside a été mis au jour lors de cette opération.
Ermant – Fig. 1. Mur secondaire chaîné au pylône Nouvel Empire.
L’évacuation du radim à l’est de la cour du temple a révélé un mur massif dont l’implantation a coupé l’extrémité orientale du môle est du pylône (fig. 2). La date précise de ce mur n’est pas assurée ; il sera étudié au cours de la prochaine mission.
Ermant – Fig. 2. Mur secondaire coupant le môle oriental du pylône Nouvel Empire.
Ermant – Fig. 4. Statue fragmentaire en calcite.En bordure du mur d’enceinte moderne, le déplacement du radim a permis de dégager un mur constitué de remplois (fig. 3), notamment des blocs d’époque romaine, l’un d’entre eux portant le cartouche de Vespasien. Ce mur se poursuit hors de l’enceinte qui est en partie bâtie dessus. Dans ce secteur a été mis au jour une statue fragmentaire en calcite (20,5 x 22 x 13 cm), datable du Moyen Empire (fig. 4).
Ermant – Fig. 3. Blocs romains remployés dans un mur.
Ermant – Fig. 5. Platine de crapaudine.Dans l’angle nord-ouest de l’enceinte, les vestiges de deux portes, anciennement dégagées par le CSA, ont été nettoyés afin de compléter le relevé architectural. Deux platines de crapaudine, probablement en bronze, ont été mises en évidence, étonnamment préservées alors que ce type d’élément a fait habituellement l’objet d’une récupération (fig. 5). Le seuil de la porte remploi un élément de linteau en grès, décoré dans le creux.
Le relevé épigraphique dans l’enceinte du temple s’est poursuivi, notamment avec l’inventaire des blocs épars (Y. Volokhine, Chr. Thiers). Une centaine de nouveaux fragments, souvent de taille modeste, a été inventoriée et placée sur des mastabas provisoires en brique rouge. La majorité de ces fragments appartient à l’époque ptolémaïque et romaine. Les blocs découverts dans le mur oriental (supra) dégagé en bordure du site ont également été inventoriés et dessinés ; ils présentent une décoration en relief dans le creux, d’un grand module, et sont datables de l’époque romaine (fragments de corniche au nom de Vespasien). Un groupe de blocs, également remployés dans ce secteur, a été inventorié ; décorés en relief levé, il présente des cartouches vides. Plusieurs éléments appartenant à la frise de cartouches de pays soumis gravée sur le pylône du Nouvel Empire ont également été inventoriés. Le défilé de porteurs de tributs nubiens, gravés sur la face nord du môle est, a été entièrement relevé. Dans le secteur de Bab el-Maganîn, la poursuite du nettoyage (infra) a permis d’identifier de nouveaux blocs.
Ermant – Bloc d’Hatchepsout.Afin de mieux apprécier la part de la documentation du Nouvel Empire remployée dans les fondations du pronaos, S. Biston-Moulin a procédé à un inventaire à partir des relevés architecturaux effectués la saison dernière. Si certains de ces blocs étaient connus de longue date (Lepsius, Mond et Myers), un examen attentif a permis d’en inventorier un grand nombre, souvent visibles dans la seule épaisseur des joints. La majeure partie de ces blocs date du règne de Thoutmosis III mais on signalera dès l’abord quatre blocs au nom d’Hatchepsout (fig. 6), dont un monogramme MÈÊ¿.t-kÈ-RÊ¿. Les éléments au nom de Thoutmosis III présentent le roi face à des divinités, des consécrations de Grandes offrandes, des processions de barque de Montou, un texte à caractère guerrier ; des tambours de colonnes cannelées portent la titulature du souverain. Trois ensembles de titulatures différentes ont été identifiées jusqu’à présent. Les éléments protocolaires assurent l’existence d’au moins deux phases de travaux dans le temple, l’une contemporaine de la corégence, l’autre après la mort d’Hatchepsout.
Au sein de cette plateforme de fondation majoritairement constituée de blocs du Nouvel Empire, une pierre qui semble porter un décor ptolémaïque (Montou hiéracocéphale) alimente le dossier concernant la date de la fondation du pronaos (et du démantèlement du temple thoutmoside). En outre, plusieurs blocs décorés au nom de Thoutmosis III portent des graffitis démotiques (inscrits dans le même sens que le décor thoutmoside) qui permettront vraisemblablement de préciser la chronologie de cette construction.
Un premier nettoyage a également été effectué dans la partie est du pronaos, de l’autre côté du talus du Decauville anglais, à l’emplacement des architraves de Thoutmosis III signalées par Lepsius (fig. 7). En cet endroit, les blocs de fondation du pronaos sont également majoritairement des remplois ; le déplacement du remblai constituant le talus a débuté afin d’observer l’emprise totale de la fondation du pronaos et ses nombreux remplois.
Ermant – Plateforme de fondation du pronaos, côté ouest.
Le nettoyage de la fondation du pronaos a également concerné le montant de porte d’Ahmosis, connu depuis Mond et Myers. Le dégagement a mis en évidence le revers dont la colonne de texte mentionne la reine Téti Chéri. Plusieurs fragments mis au jour complètent ce jambage de porte.
Ermant – Stèle de Kamosis.Les investigations conduites dans ce secteur ont permis d’identifier un bloc calcaire dont la partie inférieure comportait des lignes de texte hiéroglyphique. Après extraction, le fragment principal (120 x 160 x 32 cm) a été identifié : il s’agit d’une stèle de Kamosis (fig. 8), malheureusement incomplète. De nombreux fragments de petite taille ont également été collectés, à proximité de la stèle et en bordure du jambage d’Ahmosis ; l’un d’eux porte le cartouche de Kamosis et assure la date de ce document. Paléographiquement très proche de l’exemplaire de Karnak conservé au Musée de Louqsor, la stèle d’Ermant s’en distingue par le contenu : si elle mentionne les Hyksos, elle fait également état de la consécration d’offrandes et de réalisations dans l’enceinte de Karnak ainsi que de cérémonies et sorties processionnelles d’Amon.
C. Defernez et R. David ont étudié le matériel céramique découvert au cours de deux dernières missions, en particulier dans la tranchée ouverte dans le talus laissé pas les fouilleurs anglais. La plupart de ce matériel date des époques romaine tardive et copte.
D. Laisney a effectué un survey topographique (GPS) des vestiges archéologiques connus dans la ville d’Ermant, en particulier Bab el-Maganîn, dans le secteur El-Harig (église copte) et le jardin de la mosquée El-Amri (murs avec de nombreux remplois). Il a pu identifier d’autres vestiges de murs contenant des remplois dans le voisinage du temple. Les vestiges du Bucheum ont également été relevés au GPS et replacés dans la carte archéologique régionale.
Programme de restauration
À l’intérieur de l’enceinte du temple de Montou-Rê, H. El-Amir a poursuivi le programme de conservation des blocs. Plus de cinquante blocs de grès ont été consolidés (silicate d’éthyle, goujonnages). Il a également achevé la restauration de l’autel gréco-romain situé dans la cour, en replaçant un bloc qui s’était effondré depuis les fouilles anglaises (fig. 9).
Ermant – Remontage d’un bloc de l’autel gréco-romain.
Le programme de conservation des blocs épars entreposés dans le secteur de Bab el-Maganîn a également été poursuivi, travail préliminaire à toute intervention sur la porte elle-même. Situés dans un secteur extrêmement humide, ces blocs ont beaucoup souffert. Ils ont été extraits du radim et entreposés sur des briques cuites. Ces blocs seront consolidés la saison prochaine.
Christophe Thiers