Atfih, la nécropole des vaches sacrées (Mission 2008) – Mission Égypto-Française d’Atfih

À environ 80 km au sud du Caire, sur la rive orientale du Nil, Atfih – nom moderne de la ville – occupe l’emplacement de l’ancienne Tepihou, appelée Aphroditopolis à partir de l’époque hellénistique. La divinité principale de la métropole de la 22e et dernière province de Haute-Égypte était une Hathor. L’important rôle de mère nourricière de la déesse dans cette localité favorisa certainement son association à Isis et à Hésat. Ces divinités pouvaient se manifester par l’intermédiaire d’une vache [fig. 1] qui avait droit à un entretien particulier et à un culte à Atfih.

Fig. 1. La première des vaches sacrées (© Mission égypto-française d’Atfih).

La nécropole de ces vaches se situe à l’est de la ville. Une première sépulture fut fouillée dès 1906 par A. Kamal pour le Service des Antiquités de l’Égypte1, puis à nouveau en 1911 par W.M.Fl. Petrie et E. Mackay pour la British School of Archaeology in Egypt2. Ces derniers restèrent très peu de temps sur les lieux. Une nécropole d’époque tardive consacrée aux habitants de Tepihou/Aphroditopolis se situe également à l’est d’Atfih. En 1902, G. Daressy avait publié le tombeau d’une famille de prêtres3 et, de 1910 à 1912,  J. de M. Johnson collecta de nombreux cartonnages de papyrus dans cette même nécropole4. Le site fut ensuite délaissé durant plusieurs décennies. Les fouilles ne reprirent qu’à partir des années 80 à l’initiative du Service des Antiquités d’Égypte5 et de l’université du Caire6. D’autres tombeaux de vaches furent mis au jour et la presse égyptienne en fit état, mais les résultats ne furent que très peu publiés.

Depuis novembre 2008, l’équipe « Égypte Nilotique et Méditerranéenne » de l’université Paul Valéry de Montpellier collabore avec l’université d’Hélouan à une nouvelle exploration du site et au dégagement de la zone fouillée mais non publiée par Ahmed Moussa.

La mission égypto-française (Université de Hélouan et UMR 5140 [Université Paul Valéry – Montpellier III – CNRS]) est composée de Abdel-Fattah Al-Sabbahy (prof. Univ. Hélouan), Annie Gasse, Jean-Claude Grenier, Frédéric Servajean, Carl Mantegazza, Khaled el-Enany (prof.-adjoint, Univ. Hélouan), May Zaky (prof.-adjoint, Univ. Hélouan) et Atef Awadallah (prof. Univ. Hélouan).
La zone initialement fouillée par Ahmed Moussa a été subdivisée en 5 parties (zones A-E). Ces parties sont séparées les unes des autres par des bourrelets de sable compacté [fig. 2-3].

Fig. 2. Atfih, zone A, tombes 15 et 16 (© Mission égypto-française d’Atfih).

Le travail s’est principalement axé sur le nettoyage de la zone A, autour de laquelle les 4 autres zones semblent s’agencer, à l’est, au nord-est, au nord, au nord-est et à l’est. Dans la partie est de la zone A, affleurait, avant le nettoyage, ce qui semblait être le couvercle d’un sarcophage de vache.

L’objectif était de nettoyer la partie ouest de cette zone afin de retrouver le niveau atteint par Ahmed Moussa et de dégager, ainsi, les blocs qu’il avait mis au jour lors de ses fouilles dans les années 80 ; et, d’autre part, le relevé topographique de la zone archéologique sans tenir compte, dans un premier temps, de la zone A dont le relevé ne pouvait s’effectuer qu’après le nettoyage.
La mission n’a pas eu le temps de parvenir au niveau de sol atteint par Ahmed Moussa. Ce travail sera effectué au cours de la prochaine mission.
Le dégagement a mis au jour une structure rectangulaire, axée nord-sud, dont il ne subsiste que les assises ouest, nord et sud. Agencée sur la paroi ouest, dans le sens de la longueur : une cuve de taille plus réduite (n° 15) que celle des autres sarcophages de vaches sacrées mais d’une profondeur de 1,44 m. Mis au jour également, le couvercle de cette dernière qui avait été, à une époque indéterminée, enlevé et déposé à 1 mètre approximativement à l’est. Ce couvercle est d’une taille légèrement supérieure à celle de la cuve.

Fig. 4 (© Mission égypto-française d’Atfih).

Entre la cuve et le couvercle, mais également sous le couvercle, qui se trouvait en position oblique, plusieurs blocs, placés à cet endroit par Ahmed Moussa, ont été dégagés :

– un bloc [fig. 4] avec les jambes d’un roi et une inscription à droite et à gauche de celles-ci, l’ensemble surmontant un registre aujourd’hui perdu ;
– un bloc avec un pagne royal, également accompagné d’une colonne de texte à gauche et à droite, qui se combine avec le précédent ; il y est question, dans l’une des colonnes de texte, d’une offrande qu’effectue le roi « pour sa mère Hathor, la maîtresse de la première des vaches sacrées » ;
– un bloc d’approximativement 1,25 m de long, situé à l’origine au bas d’une figuration royale, composée de deux parties ; à gauche, les jambes du roi debout accompagnées de l’épithète « aimé de la première des vaches sacrées » ; à droite, les pieds et le bas d’un trône posé sur une estrade où se trouvait probablement assise une divinité ;
– un bloc [fig. 5], situé à l’origine dans la partie supérieure d’un registre, où subsiste une très belle couronne atef, flanquée de deux uræi, avec deux colonnes de texte sur le devant, où il est, entre autre, question de « Rê-Horakhty, le dieu grand, qui est au milieu du temple d’Héliopolis » ; à droite, c’est-à-dire derrière Osiris, à nouveau deux colonnes de texte qui se rapportaient probablement à une figuration du roi où il est notamment question du « roi de Haute et de Basse Égypte, seigneur des Deux-terres […] ».
Dans l’assise inférieure du mur sud, est inséré un bloc de réemploi sur lequel est gravé, à gauche, un grand sacarabée ailé reposant sur les cornes d’un bélier. La partie inférieure a disparu. Sur la droite, un premier cartouche entier au nom d’Osorkon. Il ne subsiste à droite que la moitié du 2e cartouche, peut-être celui Osorkon IV.

Fig. 5 (© Mission égypto-française d’Atfih).

À l’est de la zone A, le nettoyage a dégagé la moitié de la deuxième cuve, n° 16, dotée de son couvercle, tous deux de forme assymétrique. Entre l’assise nord et cette cuve a été mis au jour un long bloc [fig. 6] – rangé contre le gébel par Ahmed Moussa, d’approximativement 1m50 de long sur 0,50 m de large, sur lequel on peut voir le roi offrant deux vases nou à l’Hathor (?) tutélaire d’Atfih, à corps humain et à tête de vache. Sur un dernier bloc enfin, les pieds d’un autre personnage, peut-être ceux d’un roi.

Fig. 6 (© Mission égypto-française d’Atfih).

Quelques petits éclats de calcaire avec quelques signes hiéroglyphiques provenant du monument dégagé sont également apparus dans les déblais de fouille d’Ahmed Moussa.

Le travail de réalisation de la carte archéologique du site s’est poursuivi avec le relevé des structures de la zone A.

Mission égypto-française d’Atfih


1. A. KAMAL, « Fouilles à Atfih », ASAE 9, 1908, p. 113-117.

2. W.M.Fl. PETRIE, E. MACKAY, Heliopolis, Kafr Ammar and Shurafa, Londres, BSAE 24, 1915, p. 38, pl. 41-45.

3. G. DARESSY, « Tombeau ptolémaïque à Atfieh », ASAE 3, 1902, p. 160-180.

4. J. DE M. JOHNSON, « Excavations at Atfieh », ArchRep 1910-1911, 1911, p. 5-13, pl. VI-VIII; id., « Excavations at Atfieh, Etc. », ArchRep 1911-1912, 1912, p. 12.

5. J. LECLANT, « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan, 1982-1983 », Or 53/3, 1984, p. 369, 33 ; A. MOUSSA, « Atfih : Recent Archaeological Discoveries », Prism 31, 1992, p. 12-13 ; J. LECLANT, G. CLERC, « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan, 1992-1993 », Or 63/4, 1994, p. 388, 46.

6. J. LECLANT, G. CLERC, « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan, 1986-1987 », Or 57/3, 1988, p. 336, 38 ; id., « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan, 1990-1991 », Or 61/3, 1992, p. 252, 40.

Voir aussi dans «La Recherche»

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